Jurassic Park
Long time no see
Publié le 27 juin 2025Rien que la préface de Nicolas Allard vaut le détour: il aborde le capitalisme, la de technofiction, le bio-punk, l’IA (l’édition que j’ai achetée date de 2024 ou 2025) et même le dernier Jurassic World Renaissance. Ces quelques pages en entrée font déjà remonter la fibre nostalgique et laissent présager un moment de délicatesse intellectuelle, et pas juste un texte creux, ou des bestioles préhistoriques bouffent des autochtones contemporains.
Le livre me replonge dans les livres de Michael Crichton que j’avais pu lire il y a plusieurs années : détaillés, documentés, actuels (même 30 ans après), et des personnages nettement plus profonds que ce que j’en aurais imaginé. Le film dévie à plusieurs moments de l’histoire originale - à tel point que certains chapitres se retrouvent éparpillés dans les différents chapitres de l’heptalogie - comme l’introduction du Monde Perdu sur la plage, ou la poursuite du T-Rex dans la rivière : le livre est monstrueusement (pardon…) plus touffu que le film ne l’est - et il aborde des thèmes beaucoup plus profond que « La vie finit toujours pas trouver un chemin » ou « J’ai dépensé sans compter ». Ainsi, il est prévu dès le début que le parc soit autonome, pour diminuer la main d œuvre, et John Hammond qui n’est pas juste un petit barbu sympathique, mais un gros psychopathe capitaliste bien comme il faut.
Le style d’écriture est aussi une grosse tuerie (pardon…), où l’horreur pure et simple côtoie allègrement un plan ultra détaillé d’une scène tout à fait banale - on SAIT (tous !) que le contexte pullule de gros sauriens et que ça va finir en bain de sang, mais pas obligatoirement que ces moments se tapissent en embuscade à la fin d’un paragraphe contenant les mots « gazouillis » et « nouveau-né ». Et là, c’est dur. Parce qu’on en est juste aux prémices d’une énorme boucherie, que la séquence de mots est mentalement extrêmement visuelle et évocatrice, qu’aucune des morts les plus violentes (et les plus connues) n’a déjà été abordée et qu’il reste environ 550 pages pour y dépeindre du sang, des boyaux, de la rate et du cerveau. Autant, dans le film, je pouvais trépigner d’impatience à l’idée de voir un carnivore du poids d’un tracteur agricole moderne, arracher les pneus d’une jeep aux couleurs criardes, autant, dans le livre, je ferai preuve de plus de retenue, quitte à susurrer subrepticement aux héros de « peut-être réfléchir une seconde fois avant de prendre une décision ».
Quand je lis que InGen a expédié des Cray XMP, j’ai le cerveau qui s’emoustille. Il y a de la biologie, de la technologie, … et j’ai la musique du film en tête depuis que j’ai commencé à le lire.
Crichton va super loin dans les détails, ce petit perfectionniste : on a droit à des distributions statistiques (même s’il parle d’une distribution de Poisson au lieu d’une courbe de Gauss, mais soit…), une discussion sur « une base de données de 3 milliards d’octets ! » (qui nous font donc 2,79GB, mais à l’époque, l’espace disque n’était pas aussi accessible qu’il ne l’est maintenant 😉
Les « millards d’octets » de 1989 me semblaient trop petits que pour être encore impressionnants en 2025.), et un abord des lois de d’incertitude de Heisenberg ou de complétude de Gödel - même si elles sont plus théoriques que la théorie du chaos, qui décrit le non-déterminisme d’un système complexe - et qui s’applique donc beaucoup plus à la vie humaine qu’un modèle abstrait, puisque certains phénomènes sont par essence, imprévisibles.
Sur le dernier tiers de l’histoire, je suis plus sur du « Meh 🫤 » ; le tyrannosaure entame une course poursuite avec Grant et les enfants, les raptors (les deynonichus, bordel !) sortent de partout et le bain de sang promis plus tôt n’est finalement qu’un pseudo Resident Evil avec des dinosaures. Le fond est par contre beaucoup plus philosophique, dénote les manipulations génétiques et la science en général, et donne (vraiment !) matière à réfléchir sur les avancés technologiques et ce qu’elles amènent pour l’espèce humaine, mais aussi pour la planète en général.
Crichton aurait gardé le nom raptors parce que c’était plus cool. Quoi qu’entre temps, un Utahraptor de la taille de ceux du film aurait été découvert, so… ? Faute à moitié pardonnée ?