L'attentat

Publié le 6 nov. 2024

Vu le contexte, c’est extrêmement dur à lire : les détails sont gores, les mots spécialement choisis. Un Arabe devenu médecin réputé et reconnu, voit sa femme se faire exploser dans un attentat suicide.

Les réactions des gens sont particulièrement difficiles, racistes, ciblées, entre ceux qui tentent de le lyncher dans son propre jardin, ou ses collègues de l’hôpital qui organisent une pétition pour qu’il ne revienne pas au boulot…

La Shoah est abordée, mais rapidement balayée de la main, comme pour faire taire la personne qui en parlait. Comme pour dire que ce temps est révolu, qu’il faut passer à autre chose.1

C’est aussi une ode à la décroissance : Amine est médecin, a sérieusement galéré pour en arriver dans sa situation, et se retrouve privé de tout. Lorsqu’il retourne voir sa famille à bethleem, il la décrit comme éteinte, au profil bas et coupable. À quel moment n’a-t-il pas regardé derrière et autour de lui ?

Admettons que ces gens-là daignent te rencontrer, que comptes-tu leur soutirer ? Ils te diraient que ta femme est morte pour la bonne cause et t’inviteraient à en faire autant. […] rappelle toi ce que disait Naveed ; ce sont des martyrs en instance, ils attendent le feu vert pour partir en fumée.

Ce que je veux dire est simple : on a beau s’attendre au pire, il nous surprendra toujours. Et si par malheur il nous arrive d’atteindre le fond, il dépendra de nous et de nous seul, d’y rester ou de remonter.

« Nous ne sommes que les enfants d’un peuple spolié et bafoué qui se battent avec les moyens du bord pour recouvrir leur patrie et leur dignité, ni plus ni moins ». Un islamiste est un militant politique : il veut instaurer un état théocratique dans son pays et jouir pleinement de sa souveraineté et de son indépendance. Un intégriste est un djihadiste jusqu’au-boutiste : il ne croit pas à la souveraineté des états musulmans ni à leur autonomie. Pour lui, ce sont des états vassaux qui seront appelés à se dissoudre au profit d’un seul califat. > L’intégriste rêve d’une ouma une et indivisible qui s’étendrait de l’Indonésie au Maroc. Pour, à défaut de convertir l’Occident à l’islam, l’assujettir ou le détruire.

Dignité, égoïsme, orgueil. Trahison.

On apprend véritablement à haïr le jour où l’on prend conscience de son impuissance. Eux aussi voudraient jouir d’un statut de star, être chirurgien, rouler dans de belles voirures, mais on leur refuse ce rêve. Et quand les rêves sont éconduits, la mort devient le seul salut.

Au final, on ne fait que ramener le salut de l’humanité à son infinitésimale personne, et c’est lorsqu’Amine comprend qu’il n’a pas été trahi, qu’il commence sa rédemption. Il a beau avoir réussi à escalader les échelons et changer son statut (au prix d’incroyables sacrifices), la plupart des gens continuent à ne pas lui accorder de confiance, et utilisent comme bête de foire en mode « je connais un Arabe qui … », au même titre que « je ne suis pas rasciste, d’ailleurs, j’ai un ami Noir ».

Ironiquement, en parlant de la mort, attentats et de cultures, va dans le même sens que l’art subtil de s’en foutre : l’important est d’accorder un sens à sa vie en suivant ses valeurs. Et c’est lorsque nos valeurs sont piétinées, que nous accordons une importance particulière.


  1. (Et, parallèle avec le génocide actuel, je ne comprends toujours comme un peuple qui a subi les pires vices il n’y a à peine 70 ans (= le temps d’une vie humaine, finalement), est capable d’aller bombarder des écoles ou des hôpitaux. Je dois être naïf ou ignorant. ↩︎