La Servante Ecarlate

Un esprit curieux trouve toujours à s’occuper

Publié le 28 oct. 2025

La servante écarlate a été écrite en 1984 - dans l’ombre d’Orwell et probablement dans la prolongation de Little Brother -, avant la chute du Mur, après la deuxième (et pas “seconde”…) guerre mondiale, dans une réalité où la fécondité des femmes a tellement baissé que l’espèce humaine dépend du contrôle des naissances.

De là à dire que c’est exactement ce qu’il se passe aux US - Texas en tête -, il n’y a qu’un pas (que je franchis allègrement), au point que cela en devient un miroir contemporain.

C’est une dystopie - qui lorgne sérieusement vers le roman d’anticipation - sur la liberté de la femme, sur le contrôle de l’homme sur son environnement et sur une société patriarchale qui impose ses opinions liberticides. C’est assez difficile à expliquer : c’est trop différent que pour être crédible, mais trop proche que pour que cela n’arrive pas.

Et pour ceux qui douteraient, le gouvernement en place fournit suffisamment d’arguments pour s’auto-convaincre que dominer par le contrôle des corps et la reproduction est une bonne idée, le tout étant (évidemment) soutenu par une politique religieuse bien ancrée, au point que certains patriarches indiquent un “retour à l’ordre naturel des choses”, que “les mariages arrangés ont toujours marché aussi bien, voire mieux” ou que l’amour n’entrait pas en ligne de compte.

Un délice de lecture mêlé de dégoût moral.

L’histoire est très lente, poétique et intime. Avec un rapport au corps et à l’être très présent, elle en deviendrait presque sensuelle, si elle n’était pas aussi noire et cynique. C’est un rappel à tout le confort quotidien dont nous disposons, au rationnement de la nourriture (alors que nous avons presque tous un supermarché au coin de la rue…) aux petites boules de bain odorantes et colorées et au droit à la propriété, qui peuvent être enlevés rapidement et sans autre possibilité que de se plier ou ne plus exister.

Il y a du 1984 d’Orwell, du “En attendant Godot” de Beckett ou de “L’heure des femmes” (inversée…) d’Adèle Bréau : tout est contrôlé, l’éducation, l’écriture et la culture sont interdits, les femmes sont redevenues des objets de fécondation uniquement, parce que c’est par les femmes et par les minorités que l’on commence, quand on instaure une dictature : suppression des comptes bancaires, des libertés individuelles, …

« Indigne, injuste, incorrect »

C’est ce qu’on a vu en Iran et en Afghanistan encore récemment : tous ces pays qui ont connu la démocratie et ont sombré dans le religieux (au profit exclusif d’une certaine élite), et c’est ce que l’Europe cultive en poussant les paiements électroniques pour “lutter contre le blanchiment d’argent”, l’obligation des documents d’identité biométrique ou le permis de conduire électronique. Tout passe par des centralisations de données, qui nourriront n’importe quel régime un tant soit peu totalitaire, et lorsque ce type de régime se mettra en place, la population n’aura que deux choix : plier et l’accepter, ou disparaître.

Les nations ne construisent jamais des formes de gouvernement radicales sur des fondations qui n’existent pas déjà”.