Le Turquetto
Voir Venise, et mourir
De Constantinople à Constantinople
Constantinople en 1531 et Venise en 1574… puis Constantinople à nouveau en 1576, carrefour des civilisations grecques, turques, arméniennes, des religions et du commerce.
On suit trois périodes clés pour Ilyas Troyanos, aka. Elie Soriano, peintre de génie, juif de confession, voulant se faire une place parmi les grands artistes de l’époque. La seule option à ce moment-là : se faire passer pour chrétien converti, juste pour pouvoir peindre. La religion hébraïque interdisant les représentations divines, l’histoire va se finir en procès pour hérésie.
De la question morale de : “Devons-nous dissocier l’homme de son œuvre ?” Outre les raisons politiques qui poussent les grands de l’église à amener au procès, faut-il juger l’artiste ou le tableau ?
Sur le fond, l’histoire est classique pour l’époque : parti de rien, monté jusqu’au plus haut, adultères, gros sous, grandes responsabilités (y avait pas Spiderman à l’époque, alors on peut), … C’est écrit de manière très poétique, parfois saccadée - à cause de la profondeur des intrigues et de la quantité de personnages -, mais la partie la plus intéressante du livre se joue sur la technique : comment fabriquer l’encre, les matériaux utilisés dans la peintre, les couleurs, les pigments, …
La dernière scène
Chaque seconde que j’ai vécue ici est dans mon cœur. Et chaque mot que ta bouche a prononcé devant moi est dans ma mémoire.
La partie intrigue est bien ficelée mais extrêmement malsaine, et fait irrémédiablement penser à la scène politique actuelle, voire à l’économie mondiale en général : c’est une fiction historique d’actualité, où le rôle de l’église diffère suivant que l’on soit simple fidèle ou évêque.
Elie finira exécuté pour hérésie, alors qu’il arrivait à représenter la foi de manière plus adéquate (pour les fidèles) que les grands du moment : À Venise, à cette époque, les sujets sacrés étaient représentés avec talent, mais aussi avec malice, dans un flou qui visait à satisfaire les sens plus qu’à élever l’âme.
Cette partie-là est vraiment intéressante - voire passionnante.
Je suis venu pour accomplir et non pour abolir
– JC
Dans sa cène catholique, le Turquetto représente Jesus comme roi des juifs. C’est une description puissante, qui met les religions sur le même pied d’égalité - et l’on sait qu’elles ont pour la plupart les mêmes racines. C’est un livre sur l’égalité plus que le sémitisme : la compassion écrase la vanité et l’égocentrisme, mais il sera puni pour ça, alors que l’église restera un terrain de jeux de pouvoir.
Dans sa vanité, notre église fait passer sa renommée avant ses bienfaits.