Après quelques pages, je réalise qu’un des personnages principaux dont il est question est aussi co-auteur du livre. Soit on assume la réalité, soit on se retranche totalement dans la fiction (sur base de faits réels, s’il le faut), mais cela me gonfle déjà un peu de voir le nom de l’auteur à moitié camouflé (- il est systématiquement question de “Edgar G.”, cosmologue et physicien - une petite recherche sur “Edgar Gunzig” plus loin, et on est fixés). Autant utiliser son nom complet tout au long du livre plutôt qu’un camouflet à peine déguisé. Plus loin, la réalité rejoindra le roman, puisqu’il est fait référence à des ouvrages familiaux - cf. Marcel Braitstein; enfant traqué, enfant caché.
Sur le contenu même, c’est déjà beaucoup plus agréable: j’ai l’impression de lire un teaser de physique et de relativité générale, et cela donne soit envie d’en lire plus, soit d’en garder pour plus tard, ce qui est beaucoup mieux que de “vouloir en finir rapidement”.
Les termes de bootstrap (que je n’avais plus entendu depuis l’étude d’un chargeur binaire en première année d’informatique - et qui consiste à faire apparaître quelque chose à partir de rien, en supposant une hypothèse gratuite (cf page 244), de vide quantique (qui est un état d’énergie minimum, un “plancher” - le vide n’étant ici pas l’absence de toutes choses, mais un état particulier de ces choses), des relations d’Heisenberg (plus le délai est court, plus l’énergie peut être énorme) ou de pression négative sont abordés, avec un niveau de vocabulaire largement au dessus du dernier Guillaume Musso, saupoudré d’une forme de poésie mathématique.
Le vide a lui tout seul resterait stérile. Par manque d’énergie, ce serait un vide mou. Pour avoir un vide productif, il faut le nourrir en énergie, et ce moyen se trouve dans l’expansion de l’espace. Or, par un bootstrap élégant, le vide génère lui-même cette expansion. Voyez comme c’est un phénomène répandu : l’expansion démographique, technologique et culturelle, c’est un monde qui grandit, qui produit et qui se renouvelle sans cesse.
Le bootstrap le plus élégant consiste à réaborder l’accélération de l’expansion de l’univers, qui finirait par se diluer pour finalement former un nouveau vide quantique (qui servirait à générer un nouveau big bang - ou « détonateur d’une nouvelle cosmogenèse », etc. ). L’univers génère le vide comme le vide génère l’univers.
Le déroulement de l’histoire fait un peu penser à Slumdog Millionnaire ou Shawshank Redemption dans sa composition, chronologie, enchaînements et personnages ; le début (qui semblait un peu mou et neu-neu) n’est finalement qu’un tremplin sur la suite. L’apothéose (pour moi) arrive lorsque la physique rejoint la philosophie et la théologie: Dieu serait une forme de bootstrap: soit Il existe et la conscience humaine est bien est représentation de Son effigie (soumettons nous!), soit cette conscience est juste l’évolution matérialiste (et on n’a besoin de personne, mais on est bien seul), soit cette conscience est un projet qu’il nous incombe de faire aboutir : l’Homme crée Dieu à partir de sa propre imagination, afin d’avoir un modèle de projection auquel s’identifier.
Le tout sur un fond de guerre civile en Espagne, de guerre mondiale en Europe et de communisme en Pologne. De quoi brasser une bonne partie de la guerre froide et de la période pré-chute d’une mur de Berlin (ce qui n’est pas pour déplaire un fan invétéré du Siècle de Ken Follett).
J’ai beaucoup aimé la partie “physique”, qui faisait un peu penser à “une brève histoire du temps” de Stephen Hawking. Le reste m’a nettement moins intéressé, parce qu’il n’aillait pas assez loin dans l’Histoire, ou simplement parce que “Les équations ne servent à rien dans la saisie de la complexité du comportement humain. Il y a beaucoup trop de données et de niveaux enchevêtrés, sans aucune loi identifiable”.